Comme je l’ai souvent évoqué la pratique du Trail est une formidable opportunité de découverte et de rencontres. Je n’ai jamais été aussi bien accueilli que running aux pieds. Les barrières tombent, les langues se délient et les portes s’ouvrent bien plus facilement qu’à l’habitude. Le trail est un prétexte à la découverte.
Cette année 2019 en a été le parfait exemple. Riche en rencontres, riche en découvertes… Mais l’annulation des Templiers me laissait sur un petit goût d’inachevé. J’avais encore de l’énergie et de l’envie. Il me fallait un dernier challenge, loin de la France si possible, une dernière opportunité de découverte et de voyage.
Je me renseigne, je fouille les calendriers de courses. J’ai quelques pistes en Asie, en Afrique mais une course me titille. L’Ultra Trail du Guatemala, un 100km, 6500m de d+ et 3 volcans à gravir. Cette course je l’avais repéré il y a un an par le récit de Mathieu Blanchard, un très bon coureur français vivant au Canada. Il avait remporté la dernière édition. Je le contacte, il me dit que cette course est un de ses meilleurs souvenirs, il a pourtant bien baroudé et a fait pas mal de courses dans le monde entier. Son récit et ses photos m’inspirent. Je contacte les organisateurs, ils sont prêts à m’accueillir.
@chavavite m’envoie entre temps les vidéos et le récit d’un influencer/blogger voyage Bruno Maltor. Les vidéos sont dingues ( ici et ici ) et spécialement la montée au Fuego, un volcan encore en activité et sur l’Acatenango a près de 4000m d’altitude. C’est validé nous prenons les billets et direction Guatemala!
Mardi 19 octobre. Aéroport de Genève
Nous nous présentons au comptoir d’enregistrement, mais mon passeport ne passe pas. Je viens de le refaire et nous avons une escale a New York. Il faut obligatoirement l’ESTA pour passer aux US. Charlotte l’a, moi non. Je n’y avais pas du tout pensé. Petit coup de pression. Le personnel de l’aéroport nous dit qu’une fois la demande ESTA déposée il y a un délai de 20 min à 3 jours pour avoir la réponse. Le comptoir ferme dans 1h30, je fais la demande en ligne en urgence et patiente sagement en rafraîchissant toutes les 5 min la page du gouvernement américain pour voir si le permis est délivré. Les chances sont fines mais j’y crois. 30min plus tard mon ESTA est validé direction Guatemala! Enfin dans 17h de voyage, 3 vols, 5h d’escale à New York, 2h a Houston et 7h de décalage horaire 🙂 . Le Guatemala ça se mérite.
Sur place l’organisation de la course nous accueille et vient nous chercher à l’aéroport, direction Antigua où se déroulera la course dans 3 jours.
L’idée de ces 3 jours est de s’imprégner, repérer les lieux et tenter de se faire une petite acclimatation en montant sur un des volcans de la course. L’orga me met en contact avec un coureur local et nous voilà dès le lendemain sur les pentes de l’Acatenango. Un volcan culminant à 3976 mètres d’altitude et qui sera le point culminant de la course dans quelques jours.
Mercredi 20 octobre. Volcan Acatenango
Après contact avec Romeo le coureur local, il nous dit être dispo toute la journée et nous demande quelle heure nous arrangerait pour y monter. Nous lui demandons si un petit coucher du soleil serait possible. OK pour lui, nous partons à 13h car il y a 1h de voiture puis 1600m de d+ soit environ 2h30 de montée.
Nous arrivons au départ du chemin de la rando. Nous sommes direct dans le bain, la pente est raide et glissante. Un mélange de sable et de roche volcanique. Il faut s’employer pour avancer surtout que nous sommes déjà à 2500m d’altitude.
Le chemin serpente dans la jungle nous avançons a un rythme tranquille sans trop se mettre dans le rouge entre le voyage et l’altitude l’idée est de ne pas trop créer de la fatigue avant la course.
Nous sommes en partie dans les nuages mais a 3000m nous sortons de la jungle et passons au dessus. Nous apercevons le volcan de l’Agua. Le spectacle est magnifique. Nous continuons notre montée. Les 400 derniers mètres de deniv sont vraiment durs, nous sommes sur le parcours de la course et nous nous enfonçons a chaque pas. Il faut beaucoup d’énergie pour avancer. Finalement le sommet. Le spectacle est magique. Coucher du soleil a presque 4000 mètres avec, en toile de fond, le Fuego en éruption devant une mer de nuage. Spectacle hors du temps. C’est très fort, j’ai rarement vu un paysage aussi beau.
Mais il commence a faire froid nous ne sommes pas trop couvert et la nuit arrive. Nous redescendons en courant à la lumière de la frontale. Moment incroyable.
Cette reconnaissance a été hyper importante pour moi, j’ai pu m’imprégner de l’atmosphère et voir comment je pouvais réagir à 4000 mètres d’altitude sur les sentiers de la course.
Le jeudi est passé à visiter la ville et se reposer un peu. J’étudie aussi le parcours, il s’annonce rude et inédit. 100km // 6500 de d+ un bon ratio que l’on pourrait trouver dans les alpes. Sauf que ce n’était pas tout à fait comme dans les alpes….
Vendredi 22 octobre
Le départ de la course est a minuit dans la nuit du vendredi au samedi. Jamais facile à gérer ce genre d’horaire, surtout a l’autre bout du monde après un décalage horaire de 7h il y a 2 jours.
La journée commence par un petit dej, balade sur un des point de vue de la ville le matin, sieste, préparation de mes affaires puis on trouve un super petit restau végétarien où je m’enfile un bon bouddha Bowl + un jus multifruits spiruline vers 16h00 le top! Retour à l’hôtel vers 17h et là je m’allonge et dors pendant 3h, idéal j’en aurais pas demandé autant!
A 23h, j’enfile mes affaires, je mange une banane, avale du double expresso et file en tuktuk vers la ligne de départ.
Coté matos je fais dans le classique avec mes partenaires qui m’accompagnent depuis quelques années:
- Chaussures: New Balance Kaymin Trail V2
- Textile: Short Split 3 pouces, T-shirt Impact New Balance, Veste Homologué UTMB Compressport Hurricaine 10/10 ,
- Chaussettes Compressport Mid Compression
- Nutrition: Ergysport Barres, Gels, Boissons
- Montre: Polar Vantage V
Samedi 23 novembre. 0h00
Départ de la course. Ce qu’il faut savoir c’est qu’il y a 2 courses : le 77km et le 100km. Les parcours sont communs et les coureurs du 100km font exactement le même parcours sauf qu’à l’arrivée des 77km, les coureurs du 100km font une boucle en plus.
Au départ du 77km je sais qu’il y a un très bon coureur, l’argentin Gabriel Rueda. Il a, entre autre, fini 9ème de la TDS en 2019, solide. Il ne fait que 77km il devrait me faire un peu mal. Dans mon plan de course, j’aimerai m’accrocher à lui le plus longtemps possible.
Partie I. Volcan de l’Agua.
En guise d’échauffement la première partie de course est une montée de 2000m de d+, nous montons au sommet du Volcan de l’Agua. La première partie de cette montée se fait sur route pendant 7 kilomètres puis 7 kilomètres dans la jungle sur les pentes du volcan. Je me sens bien, un coureur local m’accompagne sur la portion de route puis dès que nous attaquons les sentiers je me retrouve seul à l’avant de la course. A la lueur de la frontale, seul dans la jungle, il est parfois peu évidement de trouver son chemin, a plusieurs reprises je pars dans la mauvaise direction. Mais sous les conseils de Mathieu Blanchard j’ai rentré le parcours sur ma Polar Vantage V et je m’aiguille souvent avec pour garder le bon cap. Je prends un bon rythme mais sans en faire trop et me retrouve au sommet en bonne forme. La suite sera tout autre.
Je bascule dans la descente, dans la nuit sombre des pentes de l’Agua. Le premier kilomètre est terrible je descends de plus de 500m de deniv. Je fais vraiment attention à mes appuis car la visibilité est bonne mais beaucoup de végétation basse m’empêche de voir où je pose réellement les pieds.
Puis j’entre dans la jungle. A ce moment je vais vivre quelque chose que je n’ai jamais vécu en course ni même en dehors. Je suis seul à ouvrir un chemin quasi inexistant dans une végétation plus que dense dans une nuit noire et obscure. Le moment est assez irréel. C’est la guerre, je me bats pour ne pas glisser, ne pas tomber. Il y a des lianes, des troncs, de la végétation de tous les côtés. Je dois escalader, ramper, je perds ma frontale des dizaine de fois. Je donnerais tout pour échanger mes bâtons contre une machette à ce moment là. La pente est toujours aussi raide, je glisse, je me tords les chevilles et je manque plusieurs fois de me casser le tibia en restant coincé dans des lianes et des racines. Je déploie beaucoup d’énergie pour avancer. Cette partie est a faire pâlir les forêts des Guérilleros de Colombie.
Depuis combien de temps je suis dans cette jungle? Je ne sais pas, je n’ai plus la notion du temps, j’ai l’impression de ne pas avancer pourtant je suis toujours à l’avant de la course et personne ne me rattrape.
Finalement, la végétation s’éclaircie, je retrouve un sentier puis un jeep track qui m’emmène au village du premier ravitaillement. J’ai fait a ce moment 22km 2000 de d+.
Après analyse de cette descente j’aurais mis environ 1h30 pour descendre 2200 mètres de dénivelé négatif.
La pause est la bienvenue, je prends le temps de m’asseoir, d’enlever mes chaussures pour évacuer le sable et bien me ravitailler pour attaquer la suite sereinement.
Partie II. Fueguo + Acatenango
La suite est simple. Nous sommes à 1370 metres d’altitude et il faut monter au sommet de l’Acatenango en passant par les pentes du Fuego. Une ascension d’environ 2600 mètres de dénivelé positif coupée d’une petite descente de 200 mètres entre les deux volcans.
Au ravito, je vois revenir Gabriel. C’est plutôt cool car il fait encore nuit noire et à deux c’est plus facile de se repérer même si nous nous trompons de route une fois et perdons 5 bonnes minutes. Rien de bien important le chrono est vraiment secondaire.
On discute, ça passe un peu le temps. Il m’explique qu’il a passé 3 mois cet été en Europe et un bon mois aux Saisies pour preparer la TDS. Il a adoré et compte revenir en 2020.
Mais notre discussion commence à s’essouffler, les pentes deviennent raides voir très raides. Nous entrons une nouvelle fois dans la jungle. Je prends mon rythme, Gabriel lâche quelques mètres puis je ne vois plus la lueur de sa frontale. La montée est difficile, raide et monotone mais rythmée par les cris des singes et le chant des oiseaux. La végétation est dense mais le chemin est plus visible et mieux tracé que sur la descente de l’Agua. Le Fuego gronde, lorsque la vegetation est plus claire j’aperçois la lave en fusion couler sur ses pentes du volcan, le spectacle est saisissant.
Et l’aube vint après la nuit, les premiers rayons du soleil percent et réchauffent très rapidement l’environnement. Je continue de monter inlassablement et sors progressivement de la forêt. Les lumières sont incroyables, je suis au pied du Fuego. La scène est magnifique. Je regarde ma Polar cela fait 7h que je suis parti, j’ai fait seulement 34km et 4100 de dénivelé il doit me rester encore 1000 mètres pour monter au sommet de l’Acatenango.
J’arrive au ravito sur le col entre les 2 volcans, je vois Gabriel au loin il doit être 5 minutes derrière. Je me ravitaille, enlève une couche car le soleil commence à taper et repars a l’assaut de l’Acatenango. Je me retrouve sur un petit sentier en balcon avec une vue magnifique sur le volcan de l’Agua. C’est magique, sans doute un des plus beaux moments de la course. Je continue de monter et vois ma montre se rapprocher des 3500m d’altitude, je n’arrive plus à respirer et garder le rythme. Je suis un peu malade et enrhumé depuis 15 jours et chaque respiration me fait tousser. La progression est difficile nous avons rattrapé le sentier que nous avions repéré 3 jours plus tôt. J’ai quelques repères ça fait du bien mais je sais ce qui m’attend et le sommet est encore loin. Il faut déployer beaucoup d’énergie pour avancer. A chaque pas le pied s’enfonce dans le sable volcanique. J’ai un coup de moins bien, à ce moment là Gabriel revient sur moi à vitesse grand V. J’essaie de m’accrocher et relancer pour qu’il me rattrape pas trop loin du sommet. Finalement nous y arrivons ensemble. 3976 mètres d’altitude. Les stats sont incroyables à ce moment là. Nous venons de monter 2600m de dénivelé positif en 14km avec une petite descente de 200 de D- au milieu. J’ai mis 4h40 pour faire ces 14km. Cela fait 9h que nous sommes parti et nous n’avons fait que 40km. Hallucinant.
Au sommet on profite et on prend le temps de quelques photos et vamos dans la descente!
Une descente de 1600 de dénivelé en 6km, j’ai fait cette partie lors de la reco je sais que la descente est joueuse sur un petit single track roulant mais pentu. Un régal.
Gabriel engage dans la première partie. C’est un vrai bac à sable. On s’enfonce mais on peut vraiment lâcher les chevaux sans réfléchir. Le seul truc c’est que nous avons du sable plein les chaussures. On s’arrête pour les enlever et les vider puis c’est reparti dans le single bien sympa roulant et ponctué de virages en épingle et de relances. On engage chacun notre tour c’est vraiment cool je prends beaucoup de plaisir.
Nous arrivons au ravito du 50ème kilomètre où nous retrouvons nos drop bags. J’en profite pour changer de chaussettes (Mid socks Compressport) pleine de sable et boue de la jungle matinale. Bonheur du matin ce changement de Socket :-))
Je fais le plein de boisson, recharge en gels et barres. Gabriel repart 30 secondes avant moi et je lui emboite le pas.
Partie III. En route vers Antigua
La suite ne va pas être des plus agréable. Nous devons rejoindre la ligne d’arrivée à Antigua où nous arriverons au terme des 77 premiers kilomètres et où la course de Gabriel prendra fin. Je devrais rallonger d’une boucle d’environ 20km. Sur le papier ça pourrait aller, sauf que les 27km à venir vont se dérouler à 80% sur la route avec la circulation, les 20% restant sur une large piste de 4×4.
Dès la sortie du ravito nous attaquons la route, je reviens assez facilement sur Gabriel, il me dit que ca va être long, qu’il n’est pas trop à l’aise sur les portions roulantes et met ses écouteurs pour se motiver. Je prends le relais et prends mon rythme sans trop forcer.
Nous descendons un col sur la route. A mon rythme, je lâche Gabriel. Les kilomètres s’enchainent et je ne le vois bientôt plus derrière moi. C’est très monotone, nous nous retrouvons en fond de vallée sans vraiment de paysage. Au bout de 12km, je retombe sur un ravito et décide de l’attendre. Il n’arrive que 2/3min après. Je me dis que c’est mieux de partager ces kilomètres difficiles ensemble. On repart et tentons de garder le rythme. Nous sommes sur la route et traversons des villages. Les gens paraissent étonnés de nous voir mais l’ambiance est sympa et les locaux nous encouragent. La route est ouverte à la circulation et nous courons sur le bas côté sur une sorte de bande d’arrêt d’urgence. On a connu mieux mais on s’adapte. La chaleur également commence a être vraiment pesante mais finalement nous arrivons dans les contreforts d’Antigua. Gabriel va savourer sa victoire et le record de l’épreuve.
Pour moi ce n’est pas vraiment fini, il me reste 20km et 1000m de d+. J’ai fait 75km environ et j’avoue que me retrouver tout seul me met un petit coup sur la tête. Charlotte est là, ça me réconforte mais la chaleur est pesante, et je suis à sec niveau boisson. Je pensais avoir un ravitaillement du côté de la zone d’arrivée mais il n’en est rien. J’ai un petit billet sur moi, je m’arrête dans une petite échoppe m’acheter un coca bien frais. Heureusement car le ravito suivant était 1h après. Je sais que le 2ème est à 1h30 derrière le rythme est plus cool sur cette dernière boucle. Je monte dans la jungle sur un chemin de 4×4 pour atteindre le sommet. Cette partie est interminable. J’atteins finalement le sommet puis redescends. Les jambes sont revenues. J’enquille. La fin est proche et j’ai envie d’en finir.
J’arrive sur la zone d’arrivée, Charlotte est là pour m’accueillir. Marie et son copain du restaurant KiaOra à Annecy en vacances dans le coin sont là aussi et sont venus exprès m’encourager, ça fait plaisir!
Je coupe finalement la ligne en 14h42 pour 95km et 6500 mètres de dénivelé positif. Une première partie de course exceptionnelle, une deuxième un peu moins mais une expérience globale incroyable. Courir sur les pentes d’un volcan actif et en éruption a été magique.
Le soir, Jorge le créateur de l’agence Wicho & Charlies à Antigua nous propose de remonter sur l’Acatenango et passer la soirée au coin du feu dans son base camp le lendemain. Je ne sais pas si les jambes suivront 24h après presque 100km mais finalement nous y remontons. L’allure est lente, le pas est lourd, l’énergie me manque. Je peine à suivre le groupe mais finalement le spectacle est de nouveau saisissant. 3ème montée de l’Acatenango en 5 jours et 3ème spectacle à couper le souffle. Nous passons la soirée devant le Fuego, le volcan actif dont le cratère est à à peine 2 kilomètres à vol d’oiseau. Impressionnant.
La suite sera plus calme, nous restons une dizaine de jours pour visiter le pays. Lac Atitlàn, Semuc Champey , Temples mayas de Tikal.
Le Guatemala nous aura gâté dans la diversité de ses paysages. Un magnifique pays encore préservé et authentique. Une très belle découverte.